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Ceux dont on ne redoute rien: Tocqueville a-t-il rencontré Papineau?

En 1831, Alexis de Tocqueville, le célèbre auteur de De la démocratie en Amérique, et son ami Gustave de Beaumont sont de passage au Bas-Canada. Ils sont pris de sympathie pour les Canadiens français, s’intéressent à leur condition et au climat politique local, mais ne font nulle mention du plus célèbre politicien de l’époque, Louis-Joseph Papineau. Se pourrait-il qu’ils se soient rencontrés, mais qu’aucune trace n’en ait été laissée pour la postérité?

Voilà le point de départ de Ceux dont on ne redoute rien, le premier roman historique de Mathieu Thomas, publié chez Québec Amérique le 24 août dernier. À travers deux trames distinctes, l’une au temps de la Confédération et l’autre lors de la grève étudiante de 2012, l’auteur nous plonge dans une enquête autour de la possible rencontre de Tocqueville et de Papineau quelques années avant les rébellions de 1837-38.

La grève étudiante

Le protagoniste du roman, Édouard Martin, est un traducteur désabusé, un indépendantiste fatigué qui semble partager quelques points communs avec l’auteur, à commencer par ses origines françaises et américaines. Par un concours de circonstances, Édouard se trouve en possession de lettres qui semblent suggérer que Beaumont et Tocqueville auraient bien rencontré Papineau en 1831, et décide de suivre la piste en compagnie de sa voisine de palier, pour qui il a le béguin.

On saluera ici l’excellent travail de l’auteur, qui nous ramène à l’effervescence de cette époque pas si lointaine avec une grande habileté.

Le tout se déroule durant la séquence explosive d’événements qu’a vécus le Québec en 2011 et 2012, entre la fondation d’Option nationale, la grève étudiante et l’élection du gouvernement Marois. On saluera ici l’excellent travail de l’auteur, qui nous ramène à l’effervescence de cette époque pas si lointaine avec une grande habileté.

La Confédération

En parallèle, on suit les péripéties de Charles Sévigny, embauché comme typographe à L’Union nationale, journal anti-confédération dirigé par Médéric Lanctôt. Quelques années seulement après le passage de Tocqueville et Beaumont, Charles enquête lui aussi sur leur possible rencontre avec Papineau, dans un périple qui le mènera jusqu’en France.

Cette double intrigue est également l’occasion pour l’auteur de réfléchir à la question du Québec, à l’état du mouvement indépendantiste et à l’ambivalence des Québécois quant à ce choix vital, autant pour entrer au Canada que pour en sortir.

De grands personnages présents lors du débat sur la fondation du Canada comme Wilfrid Laurier, Laurent-Olivier David et bien sûr Louis-Joseph Papineau sont de la partie, Sévigny étant engagé avec les Rouges contre le projet de Confédération. Cette double intrigue est également l’occasion pour l’auteur de réfléchir à la question du Québec, à l’état du mouvement indépendantiste et à l’ambivalence des Québécois quant à ce choix vital, autant pour entrer au Canada que pour en sortir.

Passionnant, documenté et réfléchi

Dans les mots de Mathieu Thomas, Ceux dont on ne redoute rien se veut une « intrigue qui, si elle paraît improbable, voire extraordinaire, se fonde sur une réalité plausible ». C’est tout l’intérêt de ce roman bien ficelé, appuyé par une large recherche sur les voyages de Tocqueville et Beaumont, le débat sur la Confédération et les événements de 2012. En suivant ce récit passionnant, nul doute que le lecteur se couchera moins niaiseux, tout en se demandant si l’histoire alternative que dessine l’auteur aurait bel et bien pu se produire sans que l’histoire n’en garde de trace…

Roman historique prenant, documenté et réfléchi, Ceux dont on ne redoute rien jette un regard singulier sur d’importants passages de notre histoire passée et présente, et constitue un formidable premier livre pour un auteur que l’on souhaitera lire à nouveau.  

Grâce aux réflexions glanées par les personnages sur le Québec d’hier et d’aujourd’hui, on décèle aussi dans le récit une véritable réflexion sur la condition québécoise, sur l’ambivalence et sur les obstacles qui ont entravé jusqu’à maintenant l’édification d’un État français en Amérique du Nord. Roman historique prenant, documenté et réfléchi, Ceux dont on ne redoute rien jette un regard singulier sur d’importants passages de notre histoire passée et présente, et constitue un formidable premier livre pour un auteur que l’on souhaitera lire à nouveau.

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