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Être “républicain” a-t-il encore un sens aujourd’hui ?

Texte publié dans Le Figaro le 26 janvier 2022.

C’est bien connu, tous les hommes politiques français veulent être adoubés du titre de «républicain», autre nom de l’acceptable et du respectable en politique. Se dire républicain aujourd’hui est devenu aussi vide de sens que de se dire humaniste ou bienveillant. Sans contenu idéologique précis, on recherche le titre pour sa connotation positive, sans plus. Combien parmi ceux qui se réclament ad nauseam des «valeurs républicaines» savent ce qu’est vraiment le républicanisme?

Permettons-nous de le leur rappeler : le républicanisme est un mode de vie en société fortement universaliste, qui choisit volontairement de faire l’impasse sur les différences et les déterminismes de chacun pour plutôt exalter les valeurs, la culture et la citoyenneté que tous ont en partage (ou qu’ils devraient partager). Les particularismes sont confinés à la sphère privée, tandis que la sphère publique est tout entière soumise au règne de l’universel. Historiquement, la mise en place du républicanisme s’est accompagnée de politiques d’assimilation musclées, il suffit de penser au destin des langues régionales en France.

Cela dit, le républicanisme n’est pas qu’universel. Spécialement en France, il s’ancre dans un modèle propre au pays, dans une langue, dans un mode de vie, dans des mœurs particulières qui sont élevées à un statut universel sur le territoire français par l’action de l’État, par l’école et par l’assimilation.

À la lumière de cette définition, combien d’élus soi-disant «républicains» ont délaissé ce modèle typiquement français aujourd’hui ? Par exemple, la discrimination positive est une pratique éminemment antirépublicaine, car elle catégorise les individus selon leur sexe ou leur couleur de peau, mais qui s’en insurge aujourd’hui au nom de la République?

Le multiculturalisme et les droits différenciés selon l’origine culturelle, de même que le recul constant de l’impératif d’assimilation depuis les années 1970, constituent une autre dérive antirépublicaine tolérée chez les «républicains». La déclaration abondamment citée d’Emmanuel Macron selon laquelle «il n’y a pas de culture française» en témoigne.

Comble de l’ironie, on qualifie «d’antirépublicaine» la déclaration controversée d’Éric Zemmour sur les prénoms, lui qui déplore l’abolition d’un règlement forçant les enfants à porter un prénom du calendrier chrétien. Philosophiquement parlant, cette directive était au contraire ultra-républicaine, voire trop républicaine pour la société libérale d’aujourd’hui ! Il n’en demeure pas moins que de faire un procès en lèse République pour de tels propos, c’est travestir le sens des mots, et prouver par le fait même que plusieurs «républicains» d’aujourd’hui sont des libéraux qui n’osent pas dire leur nom.

Le dernier livre de Manuel Valls, Zemmour l’antirépublicain, est particulièrement intéressant à ce titre. L’ancien premier ministre vilipende bien sûr le candidat de Reconquête! pour les multiples controverses historiques dans lesquelles il s’est empêtré, mais il prend également position pour un retour à l’assimilation et pour un arrêt provisoire de l’immigration en France. Voilà des idées qui étaient confinées de l’autre côté du soi-disant «cordon sanitaire» jusqu’à tout récemment, même si elles sont en droite ligne avec le modèle français et le républicanisme philosophique.

Le paradoxe est de taille : c’est donc le candidat apparemment «antirépublicain» qui force les soi-disant «républicains» à le redevenir pour ne pas perdre l’appui du peuple français. À l’heure où la droite dite hors les murs pèse plus lourd électoralement que la gauche et la droite centriste, la classe politique devrait comprendre le message : ces valeurs qui étaient la norme hier, et que l’on a lentement abandonnées aux candidats marginaux, les Français y croient encore.

Si les gouvernements successifs étaient restés fidèles au républicanisme, le vrai, plutôt que de suivre le chant des sirènes du multiculturalisme, jamais Éric Zemmour ne recueillerait l’appui d’entre 12% et 18% des Français. Peut-être n’aurait-il même jamais été candidat.

Publié dansMédias
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